Un certificat médical pour couvrir une grève? Voici la carte blanche du docteur Luc Vanwelde publiée dans le journal « Le soir » du vendredi 19 octobre
J’ai été très étonné d’entendre hier soir une info répercutée par le journal télévisé de la RTBF, qui disait qu’un mouvement de grève au sein de la police avait gagné le pays et qu’une nuée de policiers avait demandé (et obtenu !) un certificat médical pour ne pas être réquisitionné.
« L’épidémie de grippe s’est répandue en quelques heures », ai-je même entendu !
Il n’y a évidemment pas plus de grippes ni de gastro-entérites que d’habitude, et je regrette vraiment que cette info puisse être propagée quasiment sans le moindre étonnement et sans la moindre réaction, comme s’il était normal que les médecins couvrent de facto les grévistes qui en font la demande !
Parce que bien sûr que nous, médecins, comprenons parfaitement l’épuisement des policiers qui sont surchargés de travail, sans récupération suffisante, et nous n’émettons bien évidemment pas le moindre doute quant à l’authenticité de cette surcharge et de la fatigue qu’elle peut induire ;
bien sûr que cela devait déboucher tôt ou tard sur une grève pour faire entendre des revendications légitimes, et le droit de grève existe d’ailleurs pour cela ;
et bien sûr que, dans le cadre d’une consultation classique, avec un patient que l’on connaît bien, il peut être légitime d’accorder quelques jours de repos s’il apparaît épuisé par son travail.
Mais la demande massive à laquelle nous sommes confrontés, presque « sur ordre », faite même parfois pour plusieurs personnes à la fois (dont certaines que nous ne connaissons même pas), n’a pas de sens, n’est pas loin de l’illégalité et me semble un jeu bien dangereux.
Parce que si les grèves ont leur cadre strict pour qu’elles restent légales, les médecins ont eux aussi leurs codes de déontologie et d’éthique à respecter.
Si notre signature, si notre parole ne valent plus rien parce qu’utilisées sans discernement et dans une certaine forme d’illégalité, comment pourrons-nous encore justifier nos certificats et défendre nos patients malades dans le futur ?
Quelle image donnons-nous de la médecine et de notre probité, si l’authenticité de nos certificats peut être mise en doute de façon aussi évidente ?
Je soutiens et je soutiendrai toujours les grévistes dans leur quête légitime de plus d’humanité et de considération dans leurs fonctions. Mais pas en faisant des faux.
Associer grève et demande de certificat médical me semble à la fois un bien dangereux estompement de la norme et un grand danger pour le respect de notre signature dans le futur.
Dr Luc Vanwelde